Féminin et féministe: l'histoire du burlesque
L’histoire du burlesque est à l’image d’un spectacle d’effeuillage, remplie de surprises et de rebondissements. Au fil des décennies, la vocation de cet art du déshabillage sensuel et amusant a changé pour prendre une tournure féministe. Mais il n’en a pas toujours été ainsi!
HISTOIRE DU BURLESQUE
Ce mouvement artistique a vu le jour vers la
fin du XIXe siècle à Paris, où des cabarets
comme le Moulin-Rouge et les Folies
Bergère proposaient des spectacles
«légers». Toutefois, le burlesque atteint son
apogée dans les années 1940 et 1950, alors
que le rock’n’roll est en pleine ascension. À
cette époque, les moeurs se libèrent, et les
pin-up courent les rues.
Malheureusement,
la mutation des genres musicaux, la popularité
grandissante de la télévision ainsi que la
banalisation de l’érotisme (résultant de la
légalisation de la nudité aux États-Unis)
auront raison du burlesque dans les
années 1970. Mais après une vingtaine
d’années dans l’ombre, cette discipline refait
surface sous une forme contemporaine avec
l’effervescence de la scène rockabilly: le New
Burlesque ou néo-burlesque. Les pin-up font
donc leur retour dans les années 1990,
mais... sous une nouvelle apparence!
CHANGEMENT DE VOCATION
Porté par une foule de nouveaux artistes, dont les plus populaires sont sans contredit Dita von Teese et Dirty Martini, ce nouveau courant érotico-artistique commence tranquillement à prendre sa vocation féministe. On nage donc entre la nostalgie des cabarets parisiens et l’étonnement créé par la nouveauté. Désormais, les prestations scéniques évoquent l’émancipation de la femme et tentent de briser les diktats de la minceur. Le but du néo-burlesque est donc de détourner les codes de la séduction pour pouvoir en rire.
D’ailleurs, l’une des figures emblématiques du burlesque au Québec, Scarlett James — qui est aussi la directrice du Festival burlesque de Montréal — décrit le néo-burlesque comme «le burlesque à saveur d’antan, mais mis au goût du jour. Ça reste dans la tradition burlesque, mais d’autres formes d’art s’y sont greffées. On voit donc des artistes de cirque, des chanteurs et même des artistes gore faire du burlesque, maintenant. La créativité a explosé.» Adieu principes, règles et traditions; bonjour, version «punk» du striptease!
Certains qualifient d’ailleurs le néo-burlesque de «cabaret politique», puisque l’objectif est de divertir un public (et pas seulement d’émoustiller les hommes) et que le propos est fortement engagé.
SUBVERSIF À SOUHAIT
Le néo-burlesque se présente comme un
mélange de danse érotique et de théâtre
satirique misant sur la séduction et la dérision,
le tout exécuté par des femmes en
pleine possession de leur féminité, recouvertes
de plumes et de paillettes pour nous
en mettre plein la vue. Mais attention, on est
loin de l’uniformité corporelle et de l’esthétisme
léché du Crazy Horse!
Ici, on parle
plutôt de femmes au physique naturel et parfois
loin des modèles de beauté imposés par
la société. Les effeuilleuses modernes s’emparent
donc des stéréotypes et poussent la
note de l’exagération et du kitsch à son
paroxysme, pour offrir des performances
parfois même... subversives!
LE BURLESQUE AU QUÉBEC
La scène burlesque a explosé, signe d’un
intérêt certain pour cet art. «Il y a eu un
grand essor dans les trois ou quatre dernières
années. Beaucoup d’artistes burlesques
ont émergé, et ceux qui étaient là
depuis longtemps ont commencé à voyager
à l’extérieur du pays», analyse Scarlett
James. L’éclosion de cours à saveur burlesque
offerts dans les écoles de danse et
même les gyms en témoigne.
Après tout, le
néo-burlesque tente de prouver qu’il n’y a
pas qu’un seul modèle de beauté et que les
femmes sont belles et séduisantes, peu
importe leur poids, leur taille, leur âge et leur
couleur de peau. Il s’agit bel et bien d’une
discipline pour toutes les femmes!
Véronique Harvey