Histoire de poils (pubiens): retour sur les modes et normes à travers le temps | Clin d'œil
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Histoire de poils (pubiens): retour sur les modes et normes à travers le temps

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Région du corps souvent gardée à l’abri des regards, le pubis a subi son lot de relookings au fil du temps. On repasse à travers les modes, les idées fausses et les rébellions touchant les poils pubiens.

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Dans la sixième saison de la série télé Sex and the City, Samantha est en crise après avoir trouvé un poil blanc sur son pubis. Cette scène est problématique sur plusieurs plans: la honte ressentie par cette preuve de vieillissement, la pression de se conformer à la préférence «pleine brousse» de son homme et, côté pratico-pratique, la décision de teindre tous ses poils au lieu d’arracher le fautif. 

Mais c’est avant tout l’ironie de la situation qui retient notre attention. Samantha fait des pieds et des mains pour garder ses poils intacts, alors que trois ans plus tôt, la série culte avait catapulté le «brésilien» (l’épilation complète du pubis) au rang de norme esthétique. Et pourtant, ce changement draconien de mentalité représente parfaitement l’histoire rocambolesque du toilettage de notre toison à travers l’histoire

Les apparences contre hygiène

L’apparition des premiers outils d’épilation et de rasage remonte à l’Égypte ancienne. Des rasoirs en cuivre, des pierres de silex et un processus d’épilation avec des bandes de tissu et une pâte à base de sucre permettent d’entretenir les petits triangles noirs qu’on aperçoit sur les illustrations des femmes nues de l’époque. En Grèce et en Rome antiques, les poils pubiens reflètent le statut social, comme en témoignent les statues et peintures célèbres de femmes et déesses grecques sans poils pubiens. Les femmes de la haute société utilisent des pinces à épiler ou brûlent littéralement leurs poils. On assiste à un revirement de situation au Moyen Âge, où les conditions de vie incitent les femmes à conserver leurs poils pour se protéger des saletés et des maladies. Même la reine Élisabeth I, qui rase pourtant ses sourcils, garde ses précieux poils pubiens. Lorsqu’elles sont aux prises avec des poux, les femmes n’ont d’autre choix que de raser la zone infectée pour soulager les démangeaisons. Or, de peur d’être confondues avec des travailleuses du sexe, elles se couvrent d’une «merkin», une perruque pubienne. Quant aux femmes de joie de l’époque, elles utilisent cette même perruque pour cacher les signes de maladies sexuellement transmissibles, question de ne pas effrayer les clients (ni de perdre leur cachet) à cause de leurs pustules et verrues.

L’avènement de la honte

En Amérique, l’épilation corporelle ne se répand pas avant les années 1900, qui donnent le coup d’envoi de la propagande pilaire. Les femmes dans les magazines de mode arborent des aisselles nues et les publicités faisant la promotion de produits d’épilation et de rasage, dont le premier rasoir pour femmes de Gillette, offrent une solution à ce «problème personnel embarrassant». Bien qu’on ne parle pas des poils pubiens dans la sphère publique, l’idée que les poils sont disgracieux, non hygiéniques et non féminins fait son chemin dans la conscience collective. En 1946, la création du premier bikini, présenté sur une mannequin visiblement épilée, porte le coup de grâce. Alors que le mouvement hippie répond aux conventions sociales des années 1950 et 1960 en ramenant à l’avant-plan le look naturel dans les années 1970, la meilleure résolution des images et l’essor de l’industrie de la mode changent la donne à partir des années 1980. Les gens prennent alors conscience de leur apparence et la tendance est aux poils pubiens soigneusement taillés, jusque sur les playmates du magazine Playboy, qui affichaient pourtant une pilosité complète jusque-là.

La gloire (et la chute) du brésilien

Au tournant des années 2000, c’est la grande déforestation; les jeans à taille basse, les crop tops et les strings (la chanson Thong Song, de Sisqo, joue en boucle à la radio) ne laissent aucune chance aux poils. La culture pop est obsédée par le «brésilien». Gwyneth Paltrow affirme que «ça change la vie», Victoria Beckham pense qu’il devrait être obligatoire dès l’âge de 15 ans et Eva Longoria déclare qu’il rend le sexe meilleur. Après la diffusion du célèbre épisode de Sex and the City vantant les mérites du pubis nu, on ne trouve plus aucun poil dans les pages de Playboy. Le retour en arrière semble dès lors impossible. Mais comme tout ce qui monte redescend, tout ce qui est épilé ou rasé repousse. En 2013, Gwyneth fait volte-face et annonce à l’émission The Ellen DeGeneres Show que son pubis «s’identifie» à la mode des années 1970; en 2014, les mannequins arborent des poils dans la vitrine d’un magasin American Apparel; en 2015, on aperçoit le pubis fourni de l’héroïne du film érotique Cinquante nuances de Grey au grand écran. Dans les 10 dernières années, on constate un profond ras-le-bol de se conformer aux normes culturelles, que ce soit par l’entremise des médias sociaux, qui démocratisent l’image corporelle et dénoncent l’abus de filtres, de Photoshop ou grâce au mouvement de l’acceptation du corps, qui refuse de continuer à porter l’étiquette d’objet sexuel. Reste à savoir si ce changement de mentalité survivra au retour imminent du pantalon à taille basse...

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