Nathalie Doummar s’ouvre sur son rôle de Diane dans sa pièce «Mama»

Ce sera la première vraie rentrée théâtrale depuis plus de deux ans. Pour célébrer ces belles retrouvailles, nous avons rencontré Nathalie Doummar, actrice et dramaturge.
Ta bouleversante pièce Coco (présentée pour la première fois à La Petite Licorne en 2016), dans laquelle tu jouais également un rôle, avait touché beaucoup de femmes de notre génération, jeunes adultes en phase de questionnement. Le contexte de création de Mama a-t-il été similaire?
Ça fait 10 ans que j’ai envie d’écrire Mama, une pièce autour de l’histoire d’une famille égyptienne. Nous serons 13 sur scène: 1 homme et 12 personnages féminins qui se renvoient la balle. J’ai eu la chance de me voir offrir une résidence d’écriture chez Duceppe en 2018, et ce laboratoire de création m’a permis de faire un appel à tous pour trouver des actrices d’origine arabe. Pendant trois jours, nous en avons rencontré plusieurs qui m’ont incroyablement inspirée. J’ai d’ailleurs écrit plusieurs scènes de Mama après ça. Avec un visage en tête, ça s’écrit tout seul. Et puis c’était touchant. Comme beaucoup de comédiennes qui ne sont pas québécoises de souche, on a le complexe de l’imposteur. On pense qu’il faut s’adapter, se fondre dans le paysage. Duceppe nous a plutôt dit: «Racontez-vous.» C’est une expérience sociologique que je n’aurais jamais pensé vivre.
Est-ce une volonté féministe de présenter une pièce avec des personnages féminins aussi forts, surtout dans le contexte actuel?
Précisément. Je suis outrée et animée par les injustices, les déséquilibres. Quand j’ai écrit Coco, j’ai appris que je faisais du théâtre féministe. C’est devenu ultra-important pour moi. J’accepte ce rôle, je l’assume et je réalise le travail qu’il reste à faire. Mama m’apprend à quel point je me fais violence. Je suis immigrante de deuxième génération, mon féminisme n’est donc pas le même que celui de mes aïeules. Elles partaient d’encore plus loin. Mama est une déclaration d’amour aux femmes de ma famille, féministes à leur façon malgré les carcans et les modes de pensée qui les ont contraintes. Le féminisme est une lutte continuelle. À leur manière, les personnages transgressent de différentes façons les conditionnements qui les oppressent. On pourrait penser que le message n’est pas aussi porteur qu’un texte engagé hurlé avec colère, mais je suis convaincue que le féminisme se déploie de toutes sortes de façons.
Décris-moi ton personnage dans Mama.
Diane me ressemble énormément. C’est drôle, parce que dans Coco, j’avais créé cinq personnages flamboyants et colorés. À moi, je m’étais écrit un rôle très réservé, alors que je suis super loud dans la vie. Dans Mama, Diane veut vraiment être acceptée par sa famille. Elle a fait des choix qui ont bouleversé tout le monde. Elle a déçu la moitié de ses proches. Elle est prise dans ce huis clos, avec le désir d’être aimée des siens, même si elle n’a pas pris les «bonnes» décisions. C’est un vaste conflit intérieur, celui de vouloir à la fois avoir un sentiment d’appartenance et d’affranchissement.
Voyez la pièce Mama Chez Duceppe, du 7 septembre au 8 octobre (puis ailleurs au Québec)