Ça les mettra bien en pétard! par Catherine Ethier

Expériences marquantes, réflexions, fantasmes... 10 plumes de chez nous racontent dans leurs mots comment s’est forgée — et continue d’évoluer — leur perception de la beauté.
Ça les mettra bien en pétard! par Catherine Ethier
Cet après-midi-là, je venais de recevoir par la poste cette robe un peu extravagante, mais tout à fait indiquée pour aller chercher une pinte de lait au dep comme pour traverser la Croisette en fendant le vent. Des épaules volumineuses, une jupe midi couleur tangerine, une petite affaire iridescente... Vous savez, quand vous enfilez une tenue – qu’il s’agisse d’une robe en coton ouaté tachée de moutarde ou des escarpins de cristal ayant appartenu à Grace Kelly – et que soudain, LE MONDE VOUS APPARTIENT? C’était ce genre d’après-midi (et de robe).
Paillettes aux yeux et rouge Lady Danger aux lèvres, je m’étais rendue sur cette coquette terrasse inondée du soleil de la golden hour. J’attendais ma pote devant un cappuccino (le code vestimentaire pour aller prendre un café avec une amie ne relevant que du strict domaine du «porte ce qui te fait plaisir, belle brume»). Je m’abandonnai donc un instant, assise, à capturer le plus de lumière divine en inspirant profondément, paupières closes, heureuse de me sentir si bien. Ça sentait les pivoines. Quand j’ouvris les yeux, j’eus le bonheur exquis de constater qu’un homme se tenait tout à côté de ma table et me toisait, tout sourire. Je laissai s’échapper une timide risette (j’avais beau respirer la confiance, se faire pincer en plein moment de type carpe diem, les paupières à off, c’est un poquito gênant).
«Ah! Je respirais un peu de printemps, je ne pensais pas avoir de public, dis-je, amusée (à un niveau d’environ 4/10) de me faire fixer de même. – J’ai bien vu ça, hé, hé!» répondit ce pur inconnu, résolument satisfait de lui-même.
Puis s’écoula un bref moment; celui où je compris que la conversation n’était peut-être pas terminée. PLEASE LEAVE ME ALONE, INCONNU RÉSOLUMENT SATISFAIT. Je conservai tout de même ce sourire poli que nul ne devrait devoir à quiconque. Il poursuivit:
«Je voulais juste vous dire, mademoiselle, que... je ne sais pas si quelqu’un vous l’a déjà dit, mais vous êtes très jolie.
– Ah! Eh bien... merci... je sais, oui!» répondis-je sans réfléchir, parce que c’était tout à fait vrai. C’est à ce moment précis que le sol sembla se dérober sous ses petits souliers bateau, surmontés de chevilles très blanches et dénudées pour la toute première fois de la saison.
«Tu le sais? Ha, ha, ha! Tabarn... Eh bien!»
Et je vous jure qu’il sacra son camp sur-le-champ, insulté jusqu’à la moelle de ne pas avoir été cet homme qui m’informait que j’étais jolie, par pure charité, parce que, eh, oh! je ne devais pas en recevoir souvent, des compliments. Il devait d’ailleurs être LE tout premier à déceler un semblant de beauté dans ce pauvre visage en jachère de majesté. Cette fille à l’inébranlable confiance, une confiance vulgaire, venait de gâcher sa journée à grands coups de hache. Quelle conne! Alors. Mesdames. Vous ne devez ni politesse ni fausse modestie à qui que ce soit. Célébrez-vous. Sans cesse. Ça les mettra bien en pétard.
Catherine est animatrice de Son de cloche, disponible en balado, et porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.
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