À la recherche du cool perdu | Clin d'œil
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À la recherche du cool perdu

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Longtemps, j’ai cru que vieillir, ça n’arrivait qu’aux autres. Oui, je connais les lois de la nature. Je sais qu’avec le temps, chez la plupart des gens, la peau s'affaisse, la bedaine s’installe, et c’est pas long qu’on prenne le rendez-vous de changement de pneus bien avant la date limite.

Mais je croyais que le temps allait miraculeusement m’épargner. Avec mon impulsivité chronique, ma difficulté à planifier le souper du lendemain et mon incapacité totale à économiser des REER... j’allais rester au moins un peu jeune pour toujours, non?

Ben... non. (Choquant, je sais.)

J’ai réalisé que j’étais vieille d’un seul coup, à cause de TikTok. Des filles de la génération Z expliquaient aux milléniales comme moi que non, les skinny jeans n’étaient plus tendance. «Savais-tu ça, toi?» ai-je texté à Audrey.

Elle le savait.

Mais moi qui avais toujours prié à l’autel de Jésus-Christian Dior, porté des tailles basses, des tailles hautes et toutes les hauteurs entre les deux, ça faisait des mois que je l’ignorais.

Non seulement je pratiquais le skinny, mais en plus j’utilisais l’emoji qui pleure de rire (les gens jeunes et cools étaient passés à la tête de mort), je signais mes commentaires de mots-clics inventés (#tellement2018) et, clou dans le cercueil, je n’avais pas de page de mèmes. C’était quoi, la prochaine étape? Souhaiter bonne fête à Pierrette dans les commentaires d’un article de La Presse? Acheter un iPad? Dire «jeudredi»? Non, non, il fallait que je me ressaisisse.

Il en allait de ma réputation. Je travaille en pub, une industrie où les vieux n’existent pas, ou alors à la comptabilité. Si j’étais dépassée, il ne fallait surtout pas que mes collègues le sachent. J’ai pris le chariot virtuel par les roulettes et commandé les essentiels de mon nouveau look post-normcore. Ça ressemblait à des pyjamas, non? Note à moi-même: surtout, ne pas douter. Prochaine étape: regarder compulsivement des vidéos de danse virales. Les enfants devaient être nourris, baignés, couchés, et le chien, promené? Qu’ils attendent.

Pour que l’illusion soit plus complète, j’ai diminué notre forfait Internet (plus mon écran était pixélisé pour les meetings, moins on voyait mes rides) et parsemé mes échanges sur Slack de quelques fautes judicieusement choisies. Une syntaxe parfaite, ça fait boomer.

Et là, enfin, j’ai réalisé que je n’étais pas la seule. Se trouver vieux est un truc de milléniaux. À chaque facture à payer, réclamation d’assurance à soumettre ou toilette à déboucher, ma génération demande: c’est ça, être adulte? Mais c’est pas l’fun! Le nombre de mèmes qui existent sur notre coup de vieux collectif est astronomique. Se sentir comme les Golden Girls dès qu’on fait un tour sur TikTok? C’est un sentiment partagé. Quand on y pense, ce n’est pas étonnant. Je fais partie de ceux qui vieillissent en direct sur les médias sociaux. Facebook me rappelle chaque année que j’étais plus hot il y a sept ans. Instagram me fait constamment réaliser que j’ai coulé le cours de selfies 101. Snapchat... ne parlons même pas de Snapchat.

Alors, est-ce que ça se peut, vieillir tout en restant dans le coup? Ou plutôt: est-ce que ça se peut, vieillir sans devenir obsolète, comme mes fidèles skinny jeans? Les femmes ne devraient pas craindre d’avoir une date d’expiration à 40 ans. C’est ce que je me dis. Mon feed n’est pas d’accord.

À VOIR : La routine beauté de Sarah-Maude Beauchesne 

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