5 artistes contemporains québécois à connaître et à suivre
Qui suivre ces temps-ci parmi les artistes contemporains au Québec? Notre sélection illustre bien la tendance: le milieu de l’art laisse plus de place aux minorités, aux personnes issues des Premières Nations et aux femmes.
Voici quelques jeunes figures québécoises dont la carrière prend son envol.
Moridja Kitenge Banza
Arrivé au pays en 2011 avec, en poche, le premier prix de la Biennale de l’art africain contemporain DAK’ART, il a fait, en 2015, une exposition remarquée à la Galerie Joyce Yahouda, à Montréal. Intitulée Banque du Canada, elle présentait une série de billets inusités aux effigies de Louis Riel, de deux chefs autochtones, etc. Démarche précurseure, puisque trois ans plus tard, le gouvernement canadien proposait qu’un billet de 10 dollars soit imprimé du visage de Viola Desmond, femme d’affaires, militante et première femme noire à recevoir cet honneur. Le travail de Kitenge Banza s’articule autour de la question de l’histoire, de la mémoire et de l’identité. Notons qu’il a aussi élaboré une installation au musée d’histoire de Nantes, The National Museum of Africa, série de vitrines vides attendant le retour d’artéfacts africains que les nations européennes se sont appropriés. Parmi ses œuvres, on note l’immense dessin De 1848 à nos jours, représentant une coupe de bateau négrier – acheté en 2020 par le Musée des beaux-arts du Canada –, qui dénonce aussi le système économique actuel exploitant encore les pays en développement.
Joseph Tisiga
Joseph Tisiga fait partie de la nation Kaska Dena, du Yukon, où il est retourné vivre avec sa mère à l’âge de huit ans, alors qu’elle tentait de renouer avec ses racines. Comme toute une génération d’Autochtones, celle-ci avait été enlevée à sa famille pour être placée de force dans une famille d’accueil. Fortement marqué par l’expérience traumatisante de sa mère, Tisiga s’intéresse particulièrement aux «constructions identitaires, à l’amnésie spirituelle et aux effets du déracinement». L’artiste a d’ailleurs lui-même vécu un déracinement après une séparation amoureuse, déménageant loin de ses proches, à Montréal, juste avant le début de la pandémie. Confiné dans son studio, il a transformé cet isolement forcé en une série d’œuvres très personnelles et poétiques, dans lesquelles on décèle à la fois un sentiment de paralysie, une certaine magie, ainsi que la théâtralité d’une mythologie en partie culturelle et en partie inventée. Ses œuvres ont été exposées l’automne dernier à la galerie montréalaise Bradley Ertaskiran et au Musée d’art de Joliette.
Hajra Waheed
Ses sujets de prédilection sont un reflet direct de nos préoccupations sociétales actuelles: la surveillance constante des citoyens au nom de la sécurité, la résistance aux abus du pouvoir, l’aliénation culturelle que l’émigration forcée représente pour les individus. Un monde contemporain où la peur est un instrument de contrôle. Hajra Waheed, née à Calgary, mais vivant et travaillant à Montréal, est fille d’immigrants indiens musulmans. Elle a été élevée dans une communauté ultrasécurisée de la compagnie Saudi Aramco (Arabian American Oil Company) à Dhahran, en Arabie saoudite. Là, il était interdit de photographier, de filmer ou même de posséder un équipement photo ou vidéo. Paradoxalement, cela a été une source d’inspiration pour l’artiste. Ainsi, Waheed utilise souvent, dans sa pratique artistique, des documents réels, tels que des photos d’actualités, des films ou des archives. Dans The Cyphers 1-18 (2016), elle met en scène des fragments d’objets qui semblent issus d’une explosion, laissant le spectateur dubitatif, inquiet, soucieux de recomposer les morceaux d’une histoire suspecte, d’un complot qu’il faudrait comprendre. Ses œuvres ont été présentées à la Biennale de Venise en 2017 et font partie des collections du musée du Centre Pompidou, à Paris, ainsi que du British Museum, à Londres.
Celia Perrin Sidarous
Dans une vidéo réalisée pour le Musée McCord avec la restauratrice Anne MacKay, Celia Perrin Sidarous expliquait la démarche de son travail sur la «charge fantomatique des objets», leur vécu invisible et «l’histoire inventée ou devinée» qu’on imagine grâce aux traces qu’ils laissent. Perrin Sidarous s’est surtout fait connaître par ses natures mortes postmodernes, composées d’un assemblage d’images fragmentées et de divers artéfacts. Son œuvre se concentre sur la façon dont le contexte de présentation ainsi que les différents points de vue des visiteurs changent la nature des objets présentés. Quel meilleur écrin que le Musée McCord pour accueillir son travail? L’Archiviste, monumental assemblage de photos et d’objets qu’elle y a présentés en 2019, a d’ailleurs été un grand succès. Lauréate du prix Pierre-Ayot en 2017, Perrin Sidarous s’est également fait remarquer lors de la Biennale de Montréal, en 2016, et de MOMENTA | Biennale de l’image, en 2019.
Mathieu Grenier
Au printemps 2015, un visiteur aurait pu penser que les galeries Roger Bellemare et Christian Lambert étaient vides. Pourtant, à bien y regarder, s’y dévoilaient des monochromes blancs très différents de ceux que nous offre l’art moderne. Ces panonceaux étaient en fait des morceaux de murs du Musée d’art de Joliette, prélevés lors des rénovations, sur lesquels ont vécu des œuvres d’artistes célèbres tels que Barbeau, Borduas, Letendre, Pellan, Riopelle et Tousignant. Sur ces fragments de murs subsistaient encore les traits de crayon laissés par les techniciens de montage, les marques des attaches de sécurité... toutes ces subtiles traces matérielles qui évoquent l’évanescence de notre histoire de l’art. Plus récemment, l’artiste présentait à la Galerie René Blouin un riche dialogue posthume avec des œuvres moins connues du renommé Charles Gagnon (1934-2003). Mathieu Grenier aime travailler l’histoire et la mémoire... qui s’efface, mais que l’on peut aussi tenter de faire renaître.
Cécile Gariépy
Son histoire ressemble à un conte de Noël. Un 24 décembre, après avoir été repérée sur Instagram, l’artiste reçoit un courriel du New York Times lui proposant de produire des dessins pour accompagner un article. C’est alors le début d’une collaboration fructueuse. Depuis, elle a créé des illustrations pour Urbania, Desjardins, la Place des Arts de Montréal, Plaisirs Gastronomiques, mais aussi Esquire, Apple, Spotify, Google, IBM et d’autres. L’an dernier, Gariépy a travaillé avec Myriam Daguzan Bernier à la création du remarquable ouvrage pour adolescents Tout nu! Le dictionnaire bienveillant de la sexualité. Le public montréalais la connaît sans le savoir, ses murales ornant plusieurs murs de la ville. Notons, par exemple, Chez nous, une œuvre qui recouvre un immeuble de plusieurs étages surplombant l’autoroute Décarie. Elle a également réalisé deux grandes murales intitulées Ruelle dans la zone transfrontalière de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Portez-y attention lors de votre prochain voyage!